Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011, JO du 30
Zoom sur les principaux changements intervenus en matière de fiscalité du patrimoine des particuliers.
La loi portant réforme de la fiscalité du patrimoine du 29 juillet 2011 supprime le bouclier fiscal. Mais au-delà de cette mesure, elle modifie en profondeur le barème de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et sort 300 000 contribuables de son champ d’application. Elle augmente par ailleurs les droits de donation et de succession. Présentation des principales mesures introduites par cette loi.
Allègement de l’ISF
Nouveau seuil d’imposition
Le seuil d’imposition de l’ISF est relevé, dès l’impôt dû au titre de cette année, de 800 000 à 1,3 million d’euros. Ainsi, les contribuables dont le patrimoine est inférieur à ce seuil ne sont désormais plus imposables à l’ISF.
Puis, à compter de 2012, un taux d’imposition unique s’appliquera au patrimoine taxable dès le 1er euro, ce taux étant de :
– 0,25 % entre 1,3 et 3 millions d’euros de patrimoine net taxable ;
– 0,50 % au-delà de 3 millions d’euros de patrimoine net taxable.
Toutefois, afin d’atténuer les effets de ces seuils, un dispositif de décote est introduit en faveur des contribuables dont le patrimoine est compris entre 1,3 et 1,4 million d’euros ainsi que pour ceux dont le patrimoine est compris entre 3 et 3,2 millions d’euros (Voir encadré ci-dessous).
Simplification des obligations déclaratives
Désormais, le contribuable dont le patrimoine net taxable est inférieur à 3 millions d’euros n’a plus à souscrire de déclaration spécifique d’ISF. Il devra juste porter sur sa déclaration de revenus la valeur nette taxable de son patrimoine.
En outre, les éléments justifiant l’existence des dettes déduites du montant de l’impôt et le bénéfice de certaines exonérations (FCPE, Sicavas) ou de réduction d’ISF ne seront plus à produire à l’occasion de la déclaration. Corrélativement, le contribuable ne devra plus acquitter spontanément l’ISF au moment de la déclaration, l’impôt étant recouvré ultérieurement par voie de rôle.
De son côté, le contribuable dont le patrimoine net taxable est au moins égal à 3 millions d’euros ne bénéficie pas de ces mesures de simplification déclaratives. Il doit donc continuer à déposer une déclaration d’ISF au service des impôts accompagnée, le cas échéant, des justificatifs demandés et du règlement correspondant.
Le dispositif de décote pour les redevables de l’ISF
L’application du dispositif de décote mis en place par la nouvelle loi diffère selon la valeur du patrimoine taxable du redevable :
– lorsque le patrimoine imposable est supérieur à 1,3 million mais inférieur à 1,4 million d’euros, il conviendra de réduire le montant de l’impôt de la somme résultant de la formule suivante :
24 500 € – [7 x (0,25 % x patrimoine imposable)] ;
– lorsque le patrimoine imposable est supérieur à 3 millions mais inférieur à 3,2 millions d’euros, il conviendra de réduire le montant de l’impôt de la somme résultant de la formule suivante :
120 000 € – [7 x (0,5 % x patrimoine imposable)].
Illustration : un contribuable détenant un patrimoine imposable à l’ISF de 3,1 millions d’euros serait, sans le système de décote, redevable d’un impôt de 15 500 €. Grâce à ce dispositif, le montant de l’impôt à payer est sensiblement réduit :
Décote = 120 000 € – [7,5 x (0,5 % x 3 100 000 €)]
= 3750 €
Montant de l’ISF à payer = 15 500 € – 3 750 € = 11 750 €
Suppression du bouclier fiscal
Le bouclier fiscal, qui plafonne l’impôt de solidarité sur la fortune et l’impôt sur le revenu à 50 % des revenus, est supprimé. Ainsi, ce dispositif s’appliquera pour la dernière fois aux impositions correspondant aux revenus perçus en 2010 et sera définitivement supprimé à compter du 1er janvier 2013.
Pour ses deux dernières années d’application (2011 et 2012), la restitution de la créance que détient le contribuable sur l’État ne donnera pas lieu, en principe, à un remboursement mais à une imputation à opérer, par le contribuable lui-même, sur la cotisation d’ISF due au titre de la même année et des années suivantes (procédure dite de « l’autoliquidation »).
Alourdissement des droits de donation et de succession
Allongement du délai de rappel fiscal des donations antérieures
Lors d’une donation ou d’une succession, les donations consenties antérieurement au profit du même bénéficiaire sont prises en compte pour le calcul des droits à payer. Mais la loi fixe une limite de temps à ce mécanisme dit de « rappel fiscal ». Plus précisément, le délai de rappel fiscal est la durée qui doit s’écouler pour pouvoir bénéficier de nouveau à plein des abattements fiscaux, des tranches les plus basses du barème des droits à payer et des réductions de droits. Ainsi, jusqu’ici, les donations consenties depuis plus de 6 ans étaient dispensées de ce rappel fiscal. La nouvelle loi porte ce délai à 10 ans pour les successions ouvertes et pour les donations consenties à compter du lendemain de sa publication au Journal officiel, soit depuis le 31 juillet 2011.
Illustration
M. Martin a fait un don de 150 000 € à son fils le 10 novembre 2007 et a utilisé à cette occasion l’abattement fiscal disponible à hauteur de 150 000 €. Jusqu’ici, le fils de M. Martin pouvait de nouveau bénéficier à plein de cet abattement pour les donations effectuées à son profit à compter du 10 novembre 2013. Désormais, cette date est repoussée au 10 novembre 2017.
Relèvement des droits de mutation à titre gratuit
Le taux d’imposition des deux tranches les plus élevées du barème des droits de donation et de succession en ligne directe (parents, enfants, petits-enfants) et celui applicable aux donations entre époux ou entre partenaires pacsés est relevé de 5 points.
Ainsi, la fraction de part nette taxable comprise entre 902 838 € et 1 805 677 € est désormais soumise à un taux de 40 % (contre 35 % précédemment) tandis que la fraction excédant 1 805 677 € est taxée à hauteur de 45 % (contre 40 % précédemment).
Précision
ces nouveaux taux s’appliquent aux donations consenties et aux successions ouvertes depuis le 31 juillet 2011.
Suppression des reductions de droits de donation liées à l’âge du donateur
La loi supprime la réduction des droits de mutation à titre gratuit dont bénéficiaient jusqu’à présent les donateurs âgés de moins de 70 ans ou de moins de 80 ans. En pratique, cette disposition permettait de réduire de 50 % les droits dus en cas de donation de la pleine propriété ou de l’usufruit de biens lorsque le donateur avait moins de 70 ans, et de 30 % lorsque le donateur avait 70 ans révolus et moins de 80 ans. Les donations réalisées en nue-propriété bénéficiaient, quant à elles, d’une réduction de 35 % lorsque le donateur avait moins de 70 ans et de 10 % lorsque le donateur avait 70 ans révolus et moins de 80 ans.
Toutefois, une réduction de droits de 50 % est maintenue, à certaines conditions, en faveur des donations en pleine propriété d’entreprises ou de titres de sociétés, consenties par une personne âgée de moins de 70 ans, qui bénéficie par ailleurs d’une exonération partielle de droits de mutation en raison d’un engagement de conservation (« pacte Dutreil »).
Assouplissement du dispositif d’exonération des dons de sommes d’argent
Les dons de sommes d’argent consentis au profit d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce ou, par représentation (c’est-à-dire lorsque le parent bénéficiaire de la donation est décédé), d’un petit-neveu ou d’une petite-nièce, sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans une limite revalorisée tous les ans (31 865 € en 2011). Pour cela, le donataire doit être âgé d’au moins dix-huit ans révolus ou avoir fait l’objet d’une mesure d’émancipation au jour de la donation. Et, désormais, le donateur doit, dans tous les cas, être âgé de moins de 80 ans au jour de la donation.
Auparavant, cette condition d’âge s’appliquait uniquement aux dons consentis à un petit-enfant, à un arrière-petit-enfant, à un petit-neveu ou à une petite-nièce.
L’exonération relative aux dons consentis à un enfant, à un neveu ou à une nièce était, quant à elle, conditionnée à une limite d’âge du donateur de 65 ans. Et cette donation est dorénavant renouvelable tous les dix ans alors qu’elle ne pouvait être réalisée qu’une seule fois auparavant.
Précision
ce dispositif se cumule avec les abattements applicables aux droits de mutation à titre gratuit tels que l’abattement de 159 325 € dont bénéficient les enfants lors d’une donation de l’un de leur ascendant.
L’assurance-vie mise à contribution
La loi devait initialement épargner l’assurance-vie, mais la difficulté des parlementaires à boucler le budget de la réforme de la fiscalité du patrimoine les a contraints à revoir leur copie.
Ainsi, ils ont finalement décidé d’alourdir la taxation, lors du décès de l’assuré, des contrats d’assurance-vie d’une valeur taxable supérieure à 902 838 €.
En effet, pour la fraction de la part taxable excédant ce montant, le taux du prélèvement applicable aux sommes versées aux bénéficiaires du contrat est porté de 20 à 25 %.
En outre, la réforme est venue modifier les règles régissant les clauses bénéficiaires des contrats d’assurance-vie démembrées. Le démembrement de la clause bénéficiaire d’un contrat entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, généralement entre les enfants et le conjoint, permettait à ce dernier d’user librement des sommes versées au contrat jusqu’à son décès. Le nu-propriétaire bénéficiant d’une créance de restitution à faire valoir au jour du décès de l’usufruitier. Et jusqu’à présent, le seul redevable du prélèvement de 20 % était l’usufruitier.
Désormais, le nu-propriétaire et l’usufruitier seront considérés comme bénéficiaires au prorata de la somme réputée leur revenir en fonction du barème fiscal en vigueur.
Précision
l’abattement de 152 500 €, en principe applicable à chaque bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, est, quant à lui, réparti entre le nu-propriétaire et l’usufruitier au prorata de la part réputée revenir à chacun.
Les autres mesures introduites par la réforme
Suppression du plafonnement de l’ISF
Jusqu’à présent, un redevable de l’ISF pouvait limiter le montant de son impôt sur la fortune à 85 % du montant des revenus perçus par son foyer fiscal. Ce mécanisme de plafonnement est supprimé à compter de l’ISF dû au titre de l’année 2012.
Relèvement de la réduction d’ISF pour personne à charge
À compter de l’ISF 2012, le montant de la réduction d’ISF est porté à 300 € par personne à charge (contre 150 € auparavant). Rappelons que sont considérés comme personnes à charge les enfants du redevable ainsi que les titulaires d’une carte d’invalidité vivant sous son toit, dès lors que le redevable assume la charge d’entretien exclusive ou principale de ces personnes. Étant précisé que la somme de 300 € est divisée par deux lorsqu’il s’agit d’un enfant pris en charge à part égale par l’un et l’autre de ses parents.
Contrôle des redevables dispensés de souscrire une déclaration d’ISF
L’administration fiscale pourra demander aux contribuables dispensés du dépôt d’une déclaration spécifique d’ISF la composition détaillée et l’évaluation de l’actif et du passif de leur patrimoine. En l’absence de réponse suffisante à cette demande, elle pourra mettre en œuvre la procédure de rectification contradictoire.
Retard de paiement de l’ISF
À compter de 2012, pour tous les redevables, le retard de paiement des sommes dues au titre de l’ISF donnera lieu à l’application d’une majoration de 10 % en lieu et place d’une majoration de 5 % seulement et de l’application des intérêts de retard.
Relèvement du droit de partage
Le taux du droit de partage est porté de 1,10 à 2,50 % pour les partages (notamment de société, de communauté ou d’indivision), licitations et cessions de droits successifs qui interviendront à compter du 1 er janvier 2012.
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