L’article L. 441-6 du Code de commerce oblige les entreprises à préciser dans leurs conditions générales de vente (si tant est qu’elles en ont établi) les conditions d’application et le taux des pénalités dues par leurs clients en cas de retard de paiement.
À noter
tout manquement à cette obligation expose les entreprises à une amende pouvant atteindre 15 000 € (75 000 € pour une société).
Dans une décision du 3 mars 2009, la Cour de cassation a toutefois précisé que les pénalités de retard sont dues même lorsqu’elles ne sont pas prévues dans les conditions générales de vente.
Un fournisseur qui a omis de mentionner, dans ses conditions générales de vente, les conditions d’application et le taux des pénalités de retard ne perd donc pas le droit de les réclamer à son client (à un taux supplétif fixé par la loi).
Attention
ce fournisseur s’expose néanmoins à l’amende de 15 000 € (ou 75 000 €) prévue en cas de non-indication des pénalités de retard dans les conditions générales de vente. À lui donc de mesurer si le montant des pénalités de retard dues par son client est suffisamment important pour prendre un tel risque !
L’exigibilité des pénalités de retard
L’article L. 441-6 du Code de commerce précise que les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire.
En cas de retard de paiement, le fournisseur n’a donc pas besoin d’adresser une mise en demeure à son client pour faire courir les pénalités de retard, car celles-ci courent automatiquement dès le jour suivant la date de règlement mentionnée sur la facture ou, à défaut de mention d’une date de règlement sur la facture, dès le 31e jour suivant la date de réception de la marchandise ou d’exécution de la prestation.
Rappelons que depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 (dite loi LME), la date de règlement figurant sur la facture ne peut excéder un délai plafond de 45 jours fin de mois ou 60 jours nets à compter de la date de facture. Le règlement devant intervenir au plus tard dans les 30 jours suivant la date de réception des marchandises ou de l’exécution de la prestation lorsque la facture ne prévoit pas de délai de paiement.
Question
un fournisseur pourrait-il déroger à l’article L. 441-6 du Code de commerce et prévoir dans ses conditions générales de vente que les pénalités de retard ne sont exigibles qu’à compter de la mise en demeure adressée au client ? Il est permis d’en douter car, dans son arrêt du 3 mars 2009, la Cour de cassation énonce que les dispositions de l’article L. 441-6 du Code de commerce en matière de délais de paiement et de pénalités de retard répondent à des « considérations d’ordre public particulièrement impérieuses ».
Non seulement les pénalités de retard sont exigibles sans qu’une mise en demeure soit nécessaire, mais elles sont également exigibles sans avoir été prévues dans les conditions générales de vente du fournisseur, comme l’affirme la Cour de cassation dans son arrêt du 3 mars 2009.
Remarque
cette solution peut être transposée à l’hypothèse dans laquelle le fournisseur n’a pas établi de conditions générales de vente. Il faut rappeler, en effet, que si la loi réglemente le contenu des conditions générales de vente et oblige les entreprises à les communiquer à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui leur en fait la demande dans le cadre de leur activité professionnelle, elle ne les oblige pas, en revanche, à établir des conditions générales de vente.
Le calcul des pénalités de retard
Le taux des pénalités de retard
Depuis la loi LME, le taux des pénalités de retard correspond, sauf disposition contraire, au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (soit 11 % actuellement).
Mais ce taux est simplement indicatif et non impératif. En effet, les entreprises sont libres de fixer un taux de pénalités de retard différent, sous réserve cependant qu’il ne soit pas inférieur à un taux plancher correspondant désormais à trois fois le taux d’intérêt légal .
En pratique, les entreprises fixent d’ailleurs le plus souvent leur taux de pénalités de retard au niveau du taux plancher légal.
Précision
pour l’année 2009, le taux d’intérêt légal est de 3,79 %. Un taux de pénalités de retard établi à trois fois le taux d’intérêt légal est donc égal, cette année, à 11,37 %.
À noter que la loi (article L. 441-3 du Code de commerce) oblige les entreprises à mentionner, non seulement dans leurs conditions générales de vente, mais également sur leurs factures, le taux des pénalités de retard qu’elles pratiquent, et ce sous peine d’une amende de 75 000 € ; amende qui peut être portée à 50 % des sommes facturées ou qui auraient dû être facturées.
Observations
à notre avis, la solution de l’arrêt susvisé du 3 mars 2009 est également transposable au cas où le fournisseur aurait omis de mentionner le taux des pénalités de retard dans ses factures. Ainsi, ce dernier serait en droit de réclamer des pénalités de retard à son client même si la facture ne les mentionne pas.
L’assiette de calcul des pénalités de retard
L’assiette de calcul des pénalités de retard est constituée des sommes dues par l’acheteur.
Les pénalités de retard doivent donc être calculées sur la base du prix toutes taxes comprises figurant sur la facture et non sur celle du prix hors taxes.
Illustration
soit une facture relative à la fourniture de marchandises d’un montant de 15 000 € TTC émise le 31 mars 2009 et payable au plus tard le 31 mai 2009. Le taux des pénalités de retard mentionné sur la facture est de trois fois le taux d’intérêt légal, soit 11,37 %. Le client ne règle sa facture que le 15 juin 2009. Le vendeur est en droit de lui réclamer des pénalités de retard pour la période courant du 1er juin au 15 juin. Le montant de ces pénalités est alors de : [(15 000 € x 11,37 %) / 365] x 15 = 70,09 €.
Le traitement comptable des pénalités de retard
Les pénalités de retard étant exigibles sans qu’une mise en demeure soit nécessaire, le fournisseur détient une créance au titre des pénalités de retard dès le dépassement du délai de paiement imparti au client.
Il doit donc constater cette créance dans sa comptabilité, et ce même s’il ne veut pas ou ne peut pas obtenir de son client le paiement des pénalités.
Remarque
en pratique, cette obligation de comptabilisation n’est pas sans poser de difficultés car rares sont les fournisseurs qui réclament effectivement le paiement des pénalités de retard à leurs clients, le maintien de la qualité des relations commerciales étant souvent à ce prix. Le fournisseur qui ne peut pas ou ne veut pas réclamer de pénalités à son client devrait donc, après avoir comptabilisé sa créance, constater, pour le même montant, une provision pour dépréciation. Cette provision ne dégageant aucun revenu imposable, elle ne devrait pas donner lieu à déduction fiscale et devrait donc être réintégrée extra-comptablement.
Réciproquement, si le fournisseur doit comptabiliser sa créance de pénalités de retard, le client débiteur de ces pénalités doit constater le passif correspondant dans sa comptabilité.
À noter
selon la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), ce passif doit s’apprécier en fonction :
– des relations commerciales que l’entreprise débitrice entretient avec le fournisseur ;
– de l’évolution des textes et de la doctrine de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Le traitement fiscal des pénalités de retard
En matière de pénalités de retard, le droit fiscal fait preuve de réalisme et de pragmatisme.
Prenant en considération le fait que, dans la pratique, les fournisseurs réclament rarement les pénalités de retard à leurs clients, le droit fiscal (article 237 sexies du Code général des impôts) pose le principe selon lequel les pénalités de retard doivent être rattachées au résultat de l’exercice au cours duquel elles ont été encaissées, et ce quelle que soit la date d’échéance.
En conséquence, les pénalités de retard n’ont un impact fiscal sur l’entreprise du fournisseur que si ce dernier encaisse effectivement les pénalités et à la date seulement de cet encaissement.
Si le fournisseur ne récupère pas auprès de son client les pénalités de retard qui lui sont dues, il ne sera donc pas taxé sur les produits non perçus.
Conseil :
La loi LME, on le sait, a introduit de nouvelles règles en matière de délais de paiement et de pénalités de retard : fixation de délais de paiement plafonds et rehaussement des taux des pénalités de retard.
Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009.
Les entreprises dont les factures et/ou les conditions générales de vente ne sont pas conformes à ces règles risquent de très lourdes peines d’amende.
Le Cabinet ne devra donc pas hésiter à sensibiliser les Clients concernés à ce risque et à leur proposer un audit juridique de leurs factures et conditions générales de vente.
© Copyright SID Presse – 2009
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