Cassation commerciale, 3 juin 2008, n° 06-13761
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Sodico a conclu, le 11 juillet 1997, avec la société Comptoirs modernes économiques de Rennes (la société CMER) un contrat de franchise pour l’exploitation d’un magasin d’alimentation sous l’enseigne « Comod » ; qu’aux termes de ce contrat, d’une durée de sept ans, à compter du 15 juillet de la même année, la société Sodico s’engageait à effectuer l’essentiel des achats nécessaires à l’exploitation de son magasin auprès du franchiseur ; que cette société a notifié, le 14 mars 2002, à la société Comptoirs modernes supermarché ouest (la société CMSO), venant aux droits de la société CMER, la rupture de leurs relations contractuelles et a déposé l’enseigne « Comod » pour lui substituer l’enseigne « G 20 » ; que, par arrêt infirmatif du 3 juillet 2002, la cour d’appel de Rennes, statuant en référé, a condamné la société Sodico, d’une part, à déposer l’enseigne « G 20 » et à remettre l’enseigne « Comod » et, d’autre part, à poursuivre avec la société CMSO leurs relations contractuelles jusqu’au terme prévu au contrat, et ce sous astreinte ; que, par actes des 26 et 27 mars 2002, la société CMSO a fait apport, à la société Prodim, de la branche d’activité de franchiseur et d’animateur du réseau de franchise « Comod », y compris des contrats y afférents et, à la société CSF, de la branche d’activité d’exploitation commerciale et d’approvisionnement de fonds de commerce de type supermarchés ; qu’après la réalisation de ces apports partiels d’actifs, placés sous le régime des scissions, les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société Sodico en liquidation d’astreinte, puis, au fond, en nullité de la résiliation du contrat, en poursuite des relations contractuelles et en indemnisation de leur préjudice ; qu’après avoir assigné les sociétés Diapar et Groupe 20 en indemnisation de leur préjudice, en tant que tiers complices de la rupture abusive du contrat par la société Sodico, pour avoir, du 22 mars au 27 juillet 2002, approvisionné cette dernière et permis l’apposition de l’enseigne « G 20 » sur le magasin concerné, les sociétés Prodim et CSF ont assigné la société Diapar en indemnisation de leur préjudice pour avoir continué à approvisionner la société Sodico, après avoir reçu, le 29 juillet 2002, la signification de l’arrêt rendu en référé le 3 juillet de la même année, qui obligeait la société Sodico à poursuivre ses relations contractuelles avec la société CMSO ;
Sur le premier moyen :
Attendu que ce moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 236-3 et L. 236-22 du Code de commerce ;
Attendu que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut, sauf accord du franchisé, être transmis par l’effet d’un apport partiel d’actif placé sous le régime des scissions ;
Attendu que, pour déclarer les sociétés Prodim et CSF recevables à agir contre la société Diapar, l’arrêt retient que les traités d’apport partiels d’actifs soumis au régime des scissions emportent transmission universelle de tous les droits, biens et obligations afférents à la branche d’activité de l’apport, de la société apporteuse à la société bénéficiaire et que, parmi ces droits, biens et obligations figurent les décisions de justice que la société bénéficiaire est fondée à faire exécuter pour son propre compte ;
Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Sodico avait, le 14 mars 2002, notifié à la société CMSO, venant aux droits de la société CMER, la fin de leurs relations contractuelles et, que la société Sodico avait continué à s’approvisionner, exclusivement ou principalement, auprès de la société Diapar, après la réalisation, sous le régime des scissions, des apports partiels d’actifs émanant de la société CMSO en faveur des sociétés CSF et Prodim, ce dont il résulte que la société Sodico n’avait pas consenti à la transmission aux sociétés Prodim et CSF du contrat de franchise, qu’elle avait conclu en considération de la personne du franchiseur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 1165 du Code civil ;
Attendu que, pour déclarer les sociétés Prodim et CSF recevables à agir contre la société Diapar, l’arrêt retient encore, par motifs propres et adoptés, que la société Diapar, en tant que tiers au contrat de franchise, ne peut, contrairement au franchisé, se prévaloir du caractère intuitu personae de celui-ci et soutenir que ce contrat, par l’effet de l’apport qui a emporté changement de franchiseur, a nécessairement pris fin ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit, comme constituant un fait juridique, la situation créée par ce contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule, sauf en ce qu’il a écarté des débats les pièces communiquées par la société Diapar le 5 décembre 2005, l’arrêt rendu le 24 janvier 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne les sociétés Prodim et CSF aux dépens ;
Vu l’article 700 du Code de procédure civile, les condamne à payer à la société Diapar la somme globale de 2 500 € et rejette leur demande.
Cassation commerciale, 3 juin 2008, n° 06-18007
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par acte du 6 avril 2000, Mme X… a conclu un contrat de franchise pour l’exploitation d’un fonds de commerce sous l’enseigne SPAR, avec la société Medis aux droits de laquelle vient, à la suite d’une fusion-absorption du 30 novembre 2002, la société Distribution Casino France (la société Casino) ; que par avenant du 5 mars 2001, conclu entre la société Medis et Mme X…, une clause attributive de juridiction a désigné les tribunaux du siège du franchiseur ; qu’après avoir fait constater que Mme X… vendait des produits d’une marque concurrente et lui avoir notifié d’avoir à payer une certaine somme au titre de marchandises impayées, la société Casino a assigné Mme X… devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d’obtenir la résiliation du contrat aux torts de la franchisée, le paiement de marchandises impayées et le versement de diverses indemnités ; que Mme X… a soulevé l’incompétence du tribunal, invoquant l’inopposabilité de la clause attributive de juridiction, faute de transmission du contrat à la société Casino à raison du caractère intuitu personae du contrat de franchise ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l’article 1844-4 du Code civil ;
Attendu que pour accueillir le contredit de compétence de la société Casino, l’arrêt retient que la société Médis a été absorbée par la société Casino qui, bénéficiaire de la fusion, est la continuatrice des engagements souscrits par la société Medis et que le contrat de franchise et ses avenants ont été transmis avec le patrimoine de la société absorbée ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce, qu’avec l’accord du franchisé, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 1315 du Code civil ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l’arrêt retient que la société Casino avait adressé des factures à Mme X… de mai à décembre 2003, sur du papier à en-tête Distribution Casino France, que la mise en demeure de payer en date du 9 août 2004 émanait également de la société Casino, que les procès-verbaux de constat, dressés les 1er juillet et 16 septembre 2004, l’avaient été à la demande de la société Casino, et que Mme X… n’avait pas alors contesté être franchisée de la société Casino ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que le silence opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 juin 2006, entre les parties, par la Cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;
Vu l’article 700 du Code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X… la somme de 2 500 €.
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