La vente d’un bien immobilier se réalise généralement en deux temps. Vendeur et acheteur signent d’abord une promesse ou un compromis de vente précisant les conditions de la vente. Puis, quelques semaines plus tard, ils concluent la vente définitive devant un notaire.
Précision
promesse et compromis sont tous deux des avant-contrats mais ne sont pas pour autant des termes synonymes. La promesse est l’engagement pris par le cédant de vendre son bien à un prix déterminé, alors que l’acheteur, lui, se réserve le droit d’acheter ou non, à l’issue d’un certain délai fixé par les parties. Le compromis est plus qu’une promesse. C’est un contrat par lequel le vendeur et l’acheteur s’engagent, chacun, fermement et définitivement. Le compromis s’apparente à une vente dont les effets sont simplement retardés jusqu’à l’accomplissement de certaines formalités.
Point important, l’acquéreur non professionnel d’un bien immobilier à usage d’habitation dispose, alors, d’un délai de 7 jours, à compter de la signature de la promesse ou du compromis de vente (avant-contrat), pour se rétracter, c’est-à-dire pour revenir sur sa décision et donc renoncer à l’achat.
Ce n’est donc qu’une fois ce délai de rétractation de 7 jours passé que l’acquéreur est définiti-vement engagé.
Simple dans son principe, cette protection, dès son entrée en vigueur en décembre 2000, a suscité des interrogations chez les auteurs et praticiens aussi bien sur son champ d’application que sur sa mise en oeuvre. Voici une présentation de ce dispositif, à jour des réponses apportées récemment par les tribunaux.
Quelles sont les opérations concernées par le délai de rétractation ?
Opérations pour lesquelles le délai de rétractation est applicable
Sont concernés par le délai de rétractation les actes ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’un immeuble à usage d’habitation. Soit :
– la vente en toute propriété ;
– la vente en nue-propriété ou de l’usufruit ;
– la cession de parts ou d’actions d’une société d’attribution, c’est-à-dire donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété d’un bien à usage d’habitation ;
– les achats d’immeubles à construire, c’est-à-dire aux ventes en l’état futur d’achèvement ou à terme dès lors qu’il s’agit d’un bien à usage d’habitation, ainsi que les contrats de construction de maison individuelle (avec ou sans fourniture de plan) ;
– les contrats de location-accession à la propriété.
Précision
par immeuble à usage d’habitation, il faut entendre un appartement, une maison individuelle, un logement destiné à être utilisé à titre de résidence principale ou secondaire, ou encore destiné à être loué.
Opérations pour lesquelles le délai de rétractation n’est pas applicable
Une décision récente, émanant de la Cour de cassation vient de préciser que la faculté de rétractation ne s’applique pas aux biens immobiliers à usage mixte, à savoir les biens destinés à la fois à un usage d’habitation et à un usage professionnel (Cassation civile 3e, 30 janvier 2008, n° 06-21145).
De cette interprétation jurisprudentielle, il peut être déduit que le délai de rétractation n’est pas applicable non plus aux locaux accessoires à un immeuble à usage d’habitation, s’ils sont vendus séparément.
Par ailleurs, en principe, les acquisitions de terrains à bâtir, même achetés dans le but de construire un immeuble d’habitation, ne sont pas protégées par la procédure de rétractation-réflexion.
Qui sont les acquéreurs protégés ?
Tout acquéreur non professionnel, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale. Et ce, quelle que soit la qualité du vendeur, professionnel de l’immobilier ou simple particulier.
Attention
en présence de plusieurs acquéreurs, la notification doit être faite à chacun d’eux afin que chacun puisse exercer sa faculté de rétractation.
Comment est protégé l’acquéreur ?
Pour tout acte prévoyant la construction ou l’acquisition d’un bien immobilier à usage d’habitation, l’acquéreur peut librement, sans aucune justification, se rétracter dans un délai de 7 jours. Lorsque cet acte est précédé d’un avant-contrat établi sous seing privé ou sous forme d’acte notarié, ce délai ne s’applique alors qu’à cet avant-contrat.
Important
se pose la question de savoir si, dans le cas d’une modification substantielle de l’acte entre la promesse et l’acte définitif, le délai de rétractation ne serait pas à nouveau applicable. Cette question n’a pas été tranchée par les magistrats de la Cour de cassation, mais de nombreux spécialistes abondent dans ce sens.
Toutefois, il peut arriver (hypothèse assez rare) que la vente soit directement conclue chez le notaire sans avoir été précédée d’une promesse de vente. Dans ce cas, l’acheteur bénéficie alors d’un délai de réflexion de 7 jours à compter de la remise du projet d’acte, avant de signer le contrat. Autrement dit, le délai de réflexion retarde la date d’engagement de l’acheteur.
En pratique
l’acheteur reçoit l’acte de vente qu’il pourra signer après l’expiration du délai de réflexion.
Quelle procédure doit être suivie ?
Le vendeur, lorsque la vente est réalisée entre particuliers, ou le professionnel chargé de la vente, doit notifier l’avant-contrat (ou l’acte) à l’acheteur pour faire courir le délai de rétractation de 7 jours.
Les formes de notification imposées par la loi sont les suivantes :
La lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou « tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise ». L’exploit d’huissier de justice est notamment reconnu comme un moyen de notification adéquat.
Important
il convient de faire attention à l’utilisation, comme moyen de notification, de la remise en main propre. En effet, le législateur, dans une loi de 2006 (loi ENL du 13 juillet 2006, art. 96), a validé la pratique consistant pour les agents immobiliers à remettre directement l’avant-contrat à l’acheteur contre émargement ou contre récépissé. Toutefois, ce mode de notification est réservé aux actes conclus par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente (agent immobilier, notaire…) : cela signifie qu’un particulier vendant lui-même un bien ne pourra pas remettre l’avant-contrat directement à l’acheteur contre émargement, mais devra utiliser le procédé de la lettre recommandée avec AR ou « tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise » (par exemple, par acte d’huissier). De plus, la Cour de cassation, en février 2008 (Cassation civile 3e, 27 février 2008, n° 07-11303 07-11936), a considéré que la remise en main propre ne s’analyse absolument pas en un procédé probatoire fiable compte tenu des risques d’antidate qu’il comporte. Et si cette décision concernait un acte antérieur à l’entrée en vigueur de la loi de juillet 2006 précitée ; il conviendra cependant, si un tel moyen était choisi, de s’entourer de toutes les précautions requises.
La remise de l’acte à l’acheteur par le notaire en qualité d’officier ministériel.
Quel doit être le contenu de la notification ?
Le législateur n’a pas précisé quel devait être le contenu de la notification.
Il semble judicieux, à la lecture des décisions jurisprudentielles, de conseiller au vendeur de reproduire le texte de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation dans la notification, en expliquant, le cas échéant, ce texte. Et ce dans le but d’éviter que l’acquéreur ne puisse prétendre par la suite qu’il n’était pas informé de ses droits et de l’existence d’un délai impératif de rétractation.
Les questions relatives au délai de rétractation
Le point de départ du délai
L’acquéreur ayant reçu la notification de l’acte peut se rétracter dans un délai de 7 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre. Cela signifie que le délai ne commence pas à courir le jour de la signature du contrat, mais à compter de la réception de l’acte.
Soit le lendemain de la remise de l’acte : c’est-à-dire le lendemain de la notification par huissier, de la remise contre récépissé ou de la première présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception. C’est-à-dire à 0 heure du jour suivant. Ainsi, par exemple, si la première présentation intervient le 10 février, le délai courra à compter du 11.
Précision
dans le cas de l’envoi d’une lettre recommandée, les juges ont précisé que les dispositions de la loi n’exigent nullement qu’il y ait remise de la correspondance à l’acqué-reur. Ainsi, peu importe que l’acquéreur ait effectivement pris connaissance ou non de la lettre de notification. Il suffit que celle-ci ait été effectivement présentée à son domicile ou à l’adresse donnée pour l’envoi du courrier pour que le délai commence à courir.
Le calcul du délai
Normalement, le délai expire le dernier jour à 24 heures. Cependant, s’il prend fin un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il expirera le premier jour ouvrable suivant.
Comment s’exerce la faculté de rétractation ?
La faculté de rétractation est exercée dans les mêmes formes que pour la notification. C’est-à-dire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise.
Précision
en présence de plusieurs acquéreurs, chacun dispose d’un délai de 7 jours pour se rétracter. Il suffit donc que l’un des acquéreurs se rétracte pour que le compromis n’ait pas de suite.
Quelles sont les conséquences de l’exercice d’un droit de rétractation ?
Quand un candidat acquéreur décide de se rétracter, dans les conditions de forme et de fond prévues par la loi, l’avant-contrat disparaît définitivement et il est impossible de le faire renaître ultérieurement. En conséquence, le vendeur se trouve libre de remettre le bien immobilier en vente.
Précision
selon les tribunaux, l’acheteur qui se rétracte dans le délai de 7 jours ne peut pas ensuite changer d’avis et décider finalement d’acquérir le bien, quand bien même ce délai de 7 jours n’aurait pas expiré. Une telle décision n’aurait aucune valeur juridique. Par conséquent, le vendeur qui accepte de prendre en considération le voeu de son interlocuteur d’acheter le bien après y avoir renoncé doit prendre la précaution de conclure un nouveau contrat de vente. À défaut, il ne pourrait pas contraindre l’acheteur à lui verser des dommages-intérêts au cas où celui-ci ne procéderait finalement pas à l’acquisition.
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