Adoptée au mois d’octobre 2010, la loi de régulation bancaire et financière (art. 57, loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, JO du 23) a institué une nouvelle procédure pour les entreprises qui rencontrent des difficultés économiques : la procédure de sauvegarde financière accélérée. Cette procédure vise essentiellement les entreprises confrontées à des difficultés financières, mais dont l’exploitation est viable. Elle ne concernera en pratique que les grandes entreprises.
Cette nouvelle procédure constitue en fait une passerelle entre la procédure de conciliation et la procédure de sauvegarde.
Rappel :
la procédure de conciliation consiste, pour une entreprise éprouvant des difficultés avérées ou prévisibles et qui ne se trouve pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours, à mettre en place, sous le contrôle du juge, une négociation avec ses créanciers en vue d’aboutir à un accord amiable destiné à remédier à ses difficultés. Accord qui est ensuite soit simplement constaté par le juge, soit homologué par le tribunal. Sachant que pour que la procédure aboutisse, le chef d’entreprise doit obtenir la participation unanime de ses principaux créanciers à l’accord de conciliation.
La procédure de sauvegarde, quant à elle, est une procédure judiciaire de traitement des difficultés des entreprises. Elle est ouverte aux entreprises qui ne sont pas en cessation des paiements, mais qui justifient de difficultés qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter. À l’issue d’une période d’observation (d’une durée de 6 mois renouvelable), la procédure débouche, dans le meilleur des cas, sur l’élaboration d’un plan de sauvegarde qui prévoit les mesures susceptibles de redresser la situation de l’entreprise (délais de paiement, remises de dettes…). Pendant la procédure, l’entreprise échappe aux poursuites de ses créanciers et bénéficie d’une suspension des échéances de dettes.
Ainsi, une entreprise engagée dans une procédure de conciliation, mais qui ne parvient pas à obtenir un accord amiable unanime avec ses créanciers, pourra demander au juge de convertir cette conciliation en procédure de sauvegarde financière accélérée.
Bien que très proche de la procédure de sauvegarde classique dont il reprend certains mécanismes, ce nouveau dispositif présente toutefois d’importantes spécificités.
D’une part, contrairement à la procédure de sauvegarde classique, qui s’impose à tous les créanciers de l’entreprise, la procédure de sauvegarde financière accélérée est limitée aux seuls créanciers financiers (c’est-à-dire aux établissements de crédit) de l’entreprise et, s’ils existent, aux obligataires (les détenteurs de titres émis par l’entreprise en contrepartie d’un prêt qu’ils lui ont accordé). Ceux-ci devront ainsi attendre le dénouement de la procédure pour obtenir l’éventuel paiement de leurs créances, alors que les fournisseurs et les créanciers publics notamment pourront, quant à eux, continuer à être payés aux échéances normalement prévues quand bien même il s’agirait de créances antérieures à l’ouverture de la procédure.
D’autre part, la procédure de sauvegarde financière accélérée est très expéditive : en un mois seulement (renouvelable une fois) à compter du jugement d’ouverture de la procédure, un projet de plan de restructuration doit être arrêté par le tribunal.
En effet, l’une des conditions requises pour bénéficier de la sauvegarde financière accélérée impose au chef d’entreprise de justifier d’un soutien de ses créanciers financiers suffisamment large pour rendre vraisemblable l’adoption d’un projet de plan visant à assurer la pérennité de l’entreprise dans un délai d’un mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure. D’ailleurs, le tribunal statue sur l’ouverture d’une telle procédure après rapport du conciliateur sur le déroulement de la conciliation et sur les perspectives d’adoption du plan par les créanciers concernés.
Ainsi, à la différence de la procédure de sauvegarde classique, la procédure de sauvegarde financière accélérée n’a pas pour objet d’observer la société pendant un certain temps, d’analyser sa situation et d’aider à l’élaboration d’un plan de sauvegarde. Car en pratique, cette phase d’analyse et de négociation a eu lieu en amont, pendant la procédure de conciliation (qui, rappelons-le, est un préalable obligatoire à l’ouverture de la sauvegarde financière accélérée).
Le mécanisme de la sauvegarde financière accélérée permet donc de passer outre le blocage d’une minorité de créanciers et d’assurer la continuité d’une entreprise dès lors qu’elle bénéficie du soutien de la majorité de ses créanciers financiers.
Enfin, cette procédure ne pourra bénéficier qu’aux entreprises satisfaisant aux critères requis pour la constitution de comités de créanciers, c’est-à-dire que leurs comptes doivent être certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable, et qu’elles doivent employer au moins 150 salariés ou réaliser au moins 20 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Et elle ne prendra effet que pour les entreprises engagées dans une procédure de conciliation ouverte à compter du 1er mars 2011.
Les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée
La procédure de sauvegarde financière accélérée ne peut être ouverte qu’au profit de sociétés satisfaisant aux critères requis pour la constitution de comités de créanciers (employer au moins 150 salariés ou réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros). Par ailleurs, ces sociétés doivent être engagées dans une procédure de conciliation en cours et obtenir un soutien assez large de leurs créanciers financiers rendant probable l’adoption d’un projet de plan visant à assurer leur pérennité en un mois seulement à compter de l’ouverture de la procédure.
Mais, point important, pour pouvoir demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde financière accélérée, ces sociétés doivent également satisfaire aux conditions requises pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde classique, à savoir ne pas être en état de cessation des paiements et justifier de difficultés qu’elles ne sont pas en mesure de surmonter.
Rappel :
une entreprise se trouve en état de cessation des paiements lorsqu’elle ne peut pas faire face à son passif exigible (salaires, factures à échéances, charges et toutes autres dettes dont le paiement doit être immédiat) avec son actif disponible (c’est-à-dire tout bien ou toute créance immédiatement transformable en liquidités : créances clients, valeurs mobilières, traites…).
En effet, la sauvegarde financière accélérée relève en partie des règles de la procédure de sauvegarde classique, dont elle n’est qu’une variante. Ce qui conduit donc certaines sociétés à ne pas pouvoir bénéficier de cette nouvelle procédure bien qu’elles puissent faire l’objet d’une conciliation (celles qui sont en état de cessation des paiements depuis moins de 45 jours).
Les créanciers concernés par la procédure de sauvegarde financière accélérée
Déclaration des créances
La déclaration des créances permet au créancier d’une entreprise en procédure collective de faire reconnaître sa créance auprès des organes de la procédure et lui donne ainsi le droit de bénéficier des éventuels remboursements de dettes qui auront lieu ensuite. Elle permet également d’évaluer le montant du passif de l’entreprise à la date du jugement d’ouverture de la procédure.
Dans le cadre de la procédure de sauvegarde financière accélérée, seuls les créanciers financiers qui n’ont pas participé à la conciliation doivent déclarer leurs créances à la procédure. En effet, pour les autres, aucune déclaration n’est à effectuer car il appartient au chef d’entreprise d’établir une liste des créances détenues par les créanciers financiers ayant participé à la conciliation. Liste qui doit être certifiée par le commissaire aux comptes ou, à défaut, par l’expert-comptable, puis déposée au greffe du tribunal compétent. Le mandataire judiciaire devant ensuite informer chaque créancier concerné des caractéristiques de ses créances figurant sur la liste.
S’agissant des créanciers autres que financiers (les fournisseurs) de l’entreprise en sauvegarde financière accélérée, la question se pose de savoir s’ils sont tenus de procéder à cette déclaration. En effet, le texte de loi laisse apparaître un léger doute en la matière car il indique, sans faire de distinction, que « les créanciers adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire ».
La réponse à cette question est, selon nous, négative. Car il paraît peu logique qu’ils soient tenus de déclarer leurs créances alors que la procédure ne les affecte pas. Au contraire, ils ont vocation à poursuivre leurs relations commerciales et contractuelles avec la société comme si celle-ci n’était soumise à aucune procédure particulière.
La procédure de sauvegarde financière accélérée fait ainsi une entorse au principe d’égalité de traitement entre les créanciers.
Les créanciers financiers concernés par la procédure
Dans le mois qui suit l’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée, si le plan de restructuration est voté à la majorité des deux tiers du montant des créances détenues par les membres du comité des créanciers ayant exprimé un vote, il s’impose à tous les créanciers financiers. Y compris, donc, à la petite minorité de créanciers financiers qui a voté contre et qui s’était vraisemblablement déjà opposée à l’accord de conciliation. Ces derniers se voient donc imposer, entre autres, les remises de dettes et les délais de paiements acceptés par la majorité des créanciers financiers.
À noter :
si le plan n’est pas adopté dans le délai imparti, le tribunal met fin à la procédure.
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