Cassation commerciale, 8 avril 2008, n° 06-18362
Statuant tant sur le pourvoi principal des sociétés Lamy et Sea que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société Séché environnement ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 13 juin 2006), que les sociétés Lamy et Alcor sont actionnaires de la société Sea, dont les statuts comportent une clause soumettant les cessions d’actions consenties par voie de fusion à l’agrément de son conseil d’administration ; qu’après l’absorption, le 9 novembre 2001, de la société Alcor par la société Séché environnement (la société Séché), la société Sea a, le 11 mars 2002, notifié à cette dernière son refus de l’agréer comme nouvel actionnaire et lui a proposé de faire acquérir l’ensemble des titres qu’elle détenait dans son capital par la société Lamy ; qu’à défaut d’un accord sur le prix des titres, les parties ont désigné un expert afin de procéder à leur évaluation et ont, par protocole d’accord du 27 mai 2002, convenu de proroger sa mission ; que la société Lamy a assigné la société Séché pour obtenir la cession de l’ensemble de ses titres détenus dans le capital de la société Sea ; que la société Séché a appelé en intervention forcée la société Sea ; que le tribunal a rejeté la demande de la société Lamy au motif que l’agrément de la société Séché par la société Sea était considéré comme donné ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés Lamy et Sea font grief à l’arrêt d’avoir confirmé le jugement, alors selon le moyen que la société Séché avait accepté de signer le protocole d’accord du 27 mai 2002 confiant le soin de fixer le prix à un expert dont la décision devait s’imposer aux parties ; qu’elle avait dès lors l’obligation de vendre au prix fixé par l’expert, sauf erreur grossière de celui-ci ; que le principe de la vente était donc acquis et la vente devait être considérée comme parfaite dès le 27 mai 2002, soit avant l’expiration du délai de trois mois visé à l’article L. 228-24, alinéa 2, du Code de commerce, puisqu’aucun retour en arrière n’était possible, l’exercice du droit de repentir, prévu à l’article 11 des statuts étant par nature exclu, compte tenu de la disparition de la société Alcor du fait de la fusion-absorption déjà réalisée au jour du protocole ; qu’en conséquence, en statuant comme elle l’a fait, et en refusant de reconnaître l’effet juridique qui était attaché à la nomination d’un commun accord entre les parties d’un expert dans les trois mois de la notification du refus d’agrément, la cour d’appel a violé les articles L. 228-24 du Code de commerce et 1843-4 du Code civil ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que, selon les dispositions de l’article L. 228-24 du Code de commerce applicables en la cause, au cas où la société anonyme n’agrée pas le cessionnaire proposé par l’associé cédant et désigne un actionnaire ou un tiers pour acquérir les titres transférés, la fixation du prix de cette acquisition reste à faire, soit par les parties, soit à défaut d’accord entre elles, par un expert nommé dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du Code civil et que cet achat doit être réalisé avant l’expiration du délai de trois mois à compter de la notification du refus d’agrément ou de sa prorogation judiciaire, faute de quoi l’agrément est considéré comme donné, l’arrêt retient qu’en l’absence d’acceptation par la société Séché du prix offert par la société Lamy, la désignation à l’amiable de l’expert ne rendait pas la cession parfaite, dès lors que ce dernier n’avait fixé le prix des titres litigieux que le 16 juillet 2002, à l’expiration du délai fixé au 11 juin 2002 pour déterminer le prix des titres et réaliser leur achat, peu important l’accord donné, le 27 mai 2002, par la société Séché à l’allongement du délai de la mission de l’expert, dans la mesure où il n’emportait, ni reconnaissance par cette dernière de son obligation de céder ses actions à la société Lamy au prix à déterminer par l’expert, ni sa renonciation aux droits qu’elle tenait de l’article L. 228-24 du Code de commerce ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel en a déduit à bon droit que, faute d’achat des actions par la société Lamy avant le 6 juin 2002, l’agrément de la société Sea à la société Séché était considéré comme donné ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés Lamy et Sea font le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen que :
1°/ l’article L. 228-24 du Code de commerce ne s’oppose pas à ce que la prorogation du délai initial de trois mois pour réaliser la vente après refus d’agrément résulte d’un accord entre les parties ; qu’en l’espèce, le protocole signé entre les parties le 27 mai 2002 disposait que les sociétés SEA, Lamy et Séché admettaient que l’expert ne pouvait raisonnablement remplir sa mission de valorisation pour la date du 6 juin et décidaient en conséquence de lui accorder un délai complémentaire pour réaliser sa mission fixé à la date du 20 juillet 2002 ; les parties ont ainsi, lors de la nomination de l’expert, décidé d’allonger le délai pour que celui-ci puisse remplir sa mission et prorogé le délai dans lequel la vente devait être réalisée ; que, dès lors, en statuant comme elle l’a fait et en refusant de donner tout effet à cette prorogation conventionnelle du délai, la cour d’appel a violé l’article L. 228-24 du Code de commerce ;
2°/ en signant le protocole, la société Séché a adopté un comportement tendant à laisser légitimement croire à l’autre partie qu’elle prenait acte du refus d’agrément et acceptait la cession forcée, qu’elle acceptait de se soumettre à l’évaluation par expert du prix de cession, et qu’elle était d’accord pour proroger les délais prévus par la loi pour réaliser la vente ; qu’en conséquence, le principe de l’estoppel lui interdisait d’invoquer l’absence de prorogation judiciaire et, en avalisant un tel comportement, la cour d’appel a violé ledit principe et l’article L. 228-24 du Code de commerce ;
Mais attendu, d’une part, que le caractère impératif des dispositions de l’article L. 228-24 du Code de commerce ne permet pas d’y déroger par convention, en prévoyant un mode de prorogation du délai imparti pour la réalisation de la cession, après refus d’agrément, autre que la prorogation judiciaire prévue à l’alinéa 3 de cet article ; qu’ayant souverainement relevé que l’accord donné par la société Séché le 27 mai 2002 se limitait au seul allongement du délai de l’expertise, l’arrêt retient exactement qu’il ne dispensait pas la société Sea d’obtenir par décision de justice la prorogation du délai de trois mois imposé pour réaliser l’achat des titres litigieux ;
Et attendu, d’autre part, que la cour d’appel ayant écarté toute prorogation du délai légalement imposé pour la réalisation de la cession des titres litigieux, le moyen, pris en sa seconde branche, est inopérant ;
D’ou il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
Rejette le pourvoi principal ;
Condamne les sociétés Lamy et Sea aux dépens ;
Vu l’article 700 du Code de procédure civile, rejette leurs demandes ; les condamne à payer à la société Séché la somme globale de 2 500 €.
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