Le contrat d’assurance-vie dit « mixte » ou encore « alternatif » est celui qui combine une assurance en cas de vie et une autre en cas de décès. Ce contrat prévoit la constitution d’un capital que l’assureur s’engage à payer, soit au terme du contrat si l’assuré, en principe la même personne que le souscripteur du contrat, est en vie, soit au décès de l’assuré si celui-ci meurt avant l’échéance à un ou plusieurs bénéficiaires désignés. Ces contrats, très répandus en matière d’assurance-vie, permettent donc de réaliser à la fois une opération d’épargne en cas de vie et une opération de prévoyance en cas de décès.
Pendant la durée du contrat, l’épargne du souscripteur reste disponible. Contrairement à d’autres produits de placement, le titulaire d’un contrat peut quand il le souhaite demander le remboursement anticipé, c’est-à-dire avant le terme du contrat initialement prévu, de tout ou partie de son épargne.
Toutefois, lorsque le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie désigne un bénéficiaire, ce dernier peut accepter cette désignation. Et cette acceptation a pour conséquence de donner au bénéficiaire un droit irrévocable sur ce contrat. À compter de cette date, le souscripteur n’a en effet plus la possibilité de changer librement de bénéficiaire. Sauf accord entre les parties, il ne pourrait, selon la doctrine administrative, reprise par de nombreuses juridictions, pas non plus réaliser de rachats. Cette dernière interdiction a pour conséquence de protéger le bénéficiaire en empêchant le souscripteur de procéder, sans l’accord de ce dernier, à un rachat total du contrat qui aboutirait, de fait, à la révocation de ce bénéficiaire.
Dès lors que le souscripteur et le bénéficiaire s’accordent, l’acceptation ne pose pas de problème. Mais si des conflits apparaissent entre eux, le contrat est alors bloqué et l’épargne du souscripteur n’est plus disponible. D’où l’importance du débat sur l’articulation entre le droit au rachat du souscripteur et les droits du bénéficiaire acceptant. Et ce d’autant plus que, jusqu’à présent, le simple fait d’informer le bénéficiaire qu’un contrat d’assurance-vie avait été souscrit à son profit pouvait permettre à celui-ci d’acquérir un droit irrévocable sur le contrat.
À noter
jusqu’à présent, l’acceptation pouvant se faire à l’insu du souscripteur, il était conseillé de ne pas révéler aux bénéficiaires l’existence d’un contrat à leur profit avant le décès de l’assuré-souscripteur. Ce qui explique le nombre élevé de contrats d’assurance-vie non réclamés, les bénéficiaires ignorant leur existence. La meilleure solution pour éviter les acceptations sauvages était encore de désigner le ou les bénéficiaires par testament ou de déposer la clause bénéficiaire devant notaire.
En cas de conflit entre les parties à un contrat d’assurance-vie « mixte », en présence d’un bénéficiaire acceptant, l’assureur refuse donc très souvent tout rachat par le souscripteur, sauf accord du bénéficiaire. Devant ce refus, de nombreux souscripteurs ont alors saisi un juge. Si jusqu’à présent, dans la majorité des affaires, les magistrats s’étaient plutôt prononcés en faveur de l’interdiction de réaliser un rachat en cas d’acceptation par le bénéficiaire du contrat, deux faits majeurs récents reviennent sur ce principe.
Afin d’éviter que le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie accepte directement auprès de l’assureur sans en informer le souscripteur et tout en améliorant l’information des bénéfi-ciaires, la loi du 17 décembre dernier relative à l’assurance-vie a clarifié pour l’avenir la conciliation des droits du souscripteur, notamment sa faculté de rachat, avec ceux du bénéficiaire acceptant.
Désormais, l’acceptation ne peut intervenir sans le consentement du souscripteur. Sachant qu’après avoir donné son accord à l’acceptation d’un bénéficiaire, le souscripteur ne peut pas procéder à un changement de bénéficiaire, ni à des rachats ou à des avances, ni même à un nantissement du contrat, sans l’aval du bénéficiaire.
Toutefois, cette nouvelle procédure s’applique uniquement aux contrats en cours n’ayant pas encore donné lieu à acceptation du bénéficiaire au 18 décembre 2007 et aux contrats souscrits à compter de cette même date.
Une décision de la Cour de cassation est venue récemment compléter cette loi, réglant enfin le sort des contrats d’assurance-vie acceptés avant le 18 décembre 2007. Selon la cour, lorsque le droit de rachat est prévu au contrat, le souscripteur, même en présence d’un bénéficiaire acceptant, peut réaliser des rachats sur son contrat sans obtenir l’aval du bénéficiaire, sauf en présence de renonciation expresse du souscripteur à son droit.
En pratique
les magistrats de la Cour de cassation n’ont donné aucune précision relative à la forme que pourrait prendre cette renonciation expresse du souscripteur.
Autrement dit, selon cette décision, le souscripteur, même en présence d’un bénéficiaire acceptant, peut réaliser des rachats sur son contrat sans obtenir l’aval du bénéficiaire. En revanche, le changement de bénéficiaire reste impossible, même si cette interdiction peut alors être contournée par le biais d’un rachat total et la souscription d’un nouveau contrat.
Très favorable aux souscripteurs, cette décision n’aura toutefois d’effet pratique que si les assureurs jouent le jeu et acceptent les demandes de rachat.
L’acceptation des contrats à compter du 18 décembre 2007
Les nouvelles modalités légales d’acceptation ainsi que leurs effets sont applicables aux souscriptions réalisées à compter du 18 décembre 2007 et aux contrats d’assurance-vie en cours à cette date mais non encore acceptés par un bénéficiaire.
Un certain formalisme à respecter
L’acceptation doit être faite soit sous forme d’un avenant signé par l’assureur, le souscripteur et le bénéficiaire, soit par acte authentique ou sous-seing privé signé du souscripteur et du bénéficiaire ; mais dans ce cas, l’acceptation doit être notifiée par écrit à l’assureur.
Précision
lorsque la désignation du bénéficiaire est faite à titre gratuit, l’acceptation ne peut intervenir que 30 jours après que le bénéficiaire acceptant a été informé de la conclusion du contrat d’assurance-vie.
Les effets de l’acceptation
Pendant la durée du contrat, après approbation de l’acceptation du bénéficiaire par le souscripteur, ce dernier ne peut exercer sa faculté de rachat, et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans l’accord du bénéficiaire.
En outre, comme pour le rachat, les avances ou encore le nantissement d’un contrat d’assurance-vie accepté par un bénéficiaire ne sont plus possibles sans son consentement.
Précision
quand l’acceptation du bénéficiaire est postérieure au nantissement, celle-ci est sans effet à l’égard des droits du créancier nanti. Et sauf clause contraire, le créancier nanti peut provoquer le rachat malgré l’acceptation du bénéficiaire.
La loi reste muette quant aux effets de l’acceptation sur les possibilités pour le souscripteur d’arbitrer son contrat ou encore de le transformer, par exemple de passer d’un contrat en euros à un multisupports. Si, en principe, le souscripteur conserve la faculté d’arbitrer son contrat, la question de la transformation n’est pas tranchée.
Commentaire
Suite à la décision de la Cour de cassation, les assureurs devraient accepter d’honorer toutes les demandes de rachat, même en présence d’un bénéficiaire acceptant, dès lors que cette acceptation a eu lieu avant le 18 décembre 2007.
En extrapolant cette décision, le souscripteur conserve alors la faculté de demander une avance, de nantir son contrat ou encore de le convertir en rente, et bien sûr d’arbitrer les fonds sur son contrat ou de transformer un contrat en euros en multisupport, en présence d’un bénéficiaire acceptant, sauf s’il a expressément renoncé à ce droit. Dans cette hypothèse, il devra obtenir l’accord du bénéficiaire pour effectuer un rachat.
Selon la solution retenue par la Cour de cassation, la garantie vie et la garantie décès doivent être dissociées. L’acceptation du ou des bénéficiaires, si elle rend, en principe, irrévocable la stipulation faite à leur profit, n’a pas pour conséquence d’interdire au souscripteur d’exercer le droit au rachat du contrat avant son terme.
Pourtant, en pratique, le fait de permettre au souscripteur d’effectuer des rachats malgré l’acceptation du bénéficiaire provoque indirectement la révocation de la clause bénéficiaire puisque le souscripteur peut clôturer le contrat en réalisant un rachat total, pour par exemple souscrire un autre contrat et changer les bénéficiaires en cas de décès.
L’acceptation ne protège plus le bénéficiaire d’un rachat total du contrat par le souscripteur.
Alors que la solution retenue par la loi du 17 décembre 2007 et ses effets sont clairs et précis, celle des magistrats de la Cour de cassation suscite encore quelques interrogations.
Il existe différents types de contrats d’assurance-vie : tous sont-ils concernés, ou seulement les contrats d’assurance-vie mixte, dont il était question dans cet arrêt ? À ce titre, il semble que la majorité des contrats à versements libres en euros ou en unités de compte, à durée indéterminée et dénouables par rachat, soit concernée.
Mais qu’adviendra-t-il des contrats acceptés avant le 18 décembre 2007 contenant une clause interdisant au souscripteur d’effectuer un rachat sur son contrat en cas d’acceptation ?
Par ailleurs, le contrat en cause dans l’arrêt prévoyait que la faculté de rachat subsistait en dépit de l’acceptation du contrat.
La solution dégagée par la Cour de cassation est-elle exclusivement applicable aux contrats contenant le même type de clauses ?
À ce titre, il semble que l’application de cette décision soit beaucoup plus large, puisque la solution dégagée par les magistrats désigne l’ensemble des contrats contenant une faculté de rachat.
Il restera à observer si les assureurs estimeront pouvoir répondre de la sorte, de façon aussi tranchée, aux interrogations suscitées par ce revirement de jurisprudence.
Ces précisions, relatives à la conciliation du droit au rachat du souscripteur avec ceux du bénéficiaire acceptant, peuvent également avoir un impact en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). En effet, seuls les contrats possédant une valeur de rachat sont soumis à l’ISF. Ainsi, les contrats ayant fait l’objet d’une acceptation avant le 18 décembre 2007 permettent au souscripteur de conserver une faculté de rachat, cette valeur de rachat doit donc être comprise dans l’assiette de l’ISF. À l’inverse, l’acceptation du bénéficiaire depuis le 18 décembre 2007 prive le souscripteur de sa faculté de rachat, qui est alors soumise à la volonté du bénéficiaire acceptant. Doit-on considérer que ce contrat perd ou conserve sa valeur de rachat ? Il semble prudent d’attendre les commentaires administratifs et les éventuelles décisions de justice avant de considérer ces contrats comme non rachetables et de prendre le risque de ne pas les inclure dans l’assiette de l’ISF de nos clients.
© Copyright SID Presse – 2008
Comments are closed.