Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, JO du 21.
À peine plus de deux mois après sa présentation en Conseil des ministres, la loi portant réforme du temps de travail a été publiée au Journal officiel le 21 août 2008. Présentation des principaux changements apportés par ce texte.
I – Heures supplémentaires
Un an tout juste après la réforme des heures supplémentaires par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (dite loi « Tepa »), le gouvernement a adopté de nouvelles dispositions relatives aux heures supplémentaires. L’objectif de cette nouvelle réforme est encore le même : inciter les Français à travailler plus !
Et pour atteindre ce but, le gouvernement s’est, cette fois, attaché à simplifier l’accès aux heures supplémentaires en donnant plus de souplesse à l’employeur.
La nouvelle loi a ainsi prévu que le contingent annuel d’heures supplémentaires est désormais fixé en priorité au niveau de l’entreprise, qui pourra donc déroger à ce que prévoit l’accord de branche. L’employeur devient également libre d’utiliser les heures supplémentaires sans passer par l’inspecteur du travail, mais en informant ou en consultant toutefois les représentants du personnel.
Par ailleurs, cette loi a également apporté des modifications s’agissant du repos compensateur obligatoire. Ainsi, l’employeur n’a plus l’obligation d’accorder une contrepartie sous forme de repos aux salariés accomplissant des heures supplémentaires à l’intérieur du contingent annuel. Seules les heures accomplies au-delà du contingent continueront de donner lieu obligatoirement à repos.
Enfin, le repos compensateur de remplacement connaît lui aussi un ajustement : il sera désormais mis en place prioritairement par accord d’entreprise ou d’établissement, et seulement subsidiairement par accord de branche. La négociation d’entreprise primant, là encore, sur celle de branche.
À noter
la loi portant réforme du temps de travail a également mis en place un dispositif unique d’aménagement du temps de travail en remplacement de certains dispositifs existants (modulation, travail par cycles, attribution de journées de repos sur 4 semaines ou sur l’année et temps partiel modulé) et a apporté des précisions sur le compte épargne-temps. Elle a aussi modifié les règles encadrant les forfaits annuels (v. plus loin).
Contingent d’heures supplémentaires
Jusqu’alors, le contingent d’heures supplémentaires était fixé soit par accord de branche étendu ou accord d’entreprise ou d’établissement soit, à défaut, par décret, à 220 heures par an et par salarié.
Avec la nouvelle loi, le contingent est désormais fixé en priorité par accord d’entreprise ou d’établissement, et seulement à défaut par convention ou accord de branche.
Remarque
la négociation d’entreprise prime donc sur celle de branche, ce qui signifie en pratique qu’un accord d’entreprise pourrait prévoir un contingent d’heures supplémentaires supérieur au contingent fixé par la branche. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’employeur pourra faire accomplir des heures supplémentaires à ses salariés sans limites. Les dispositions sur la durée maximale quotidienne du travail (10 heures) et sur la durée maximale hebdomadaire (pas plus de 44 heures sur une période de douze semaines et pas plus de 48 heures sur une semaine donnée) continuent en effet à s’appliquer.
À défaut d’accord collectif, le contingent légal reste fixé à 220 euros.
Important
si l’employeur utilise le contingent réglementaire, il doit consulter au moins une fois par an le comité d’entreprise (CE) ou, à défaut, les délégués du personnel (DP) sur les modalités d’utilisation de ce contingent et son éventuel dépassement.
Par ailleurs, si l’employeur était libre d’utiliser les heures supplémentaires à l’intérieur du contingent, il devait cependant informer l’inspecteur du travail avant toute utilisation, ainsi que le CE ou à défaut les DP s’ils existaient. Et au-delà du contingent, une simple information ne suffisait plus : le recours aux heures supplémentaires devait, cette fois, être autorisé par l’inspecteur du travail après avis des représentants du personnel.
Aujourd’hui, ces obligations ont en partie disparu. Ainsi, les heures supplémentaires réalisées dans le cadre du contingent n’ont plus à donner lieu à une information préalable de l’inspecteur du travail. De même, l’employeur n’a plus besoin de l’autorisation de l’inspecteur du travail pour recourir aux heures supplémentaires au-delà du contingent.
Quant aux représentants du personnel, le projet de loi prévoyait initialement de supprimer également leur information et consultation. Mais les députés ont finalement réintroduit l’information préalable des représentants du personnel pour les heures supplémentaires accomplies à l’intérieur du contingent, ainsi que leur consultation pour celles accomplies au-delà, considérant que l’intervention des représentants du personnel était importante pour une bonne information des salariés.
Repos compensateur obligatoire
Les salariés qui accomplissent des heures supplémentaires doivent bénéficier de périodes de repos compensateur.
À noter
l’expression « repos compensateur » n’est plus utilisée dans la nouvelle loi. Celle-ci préfère dorénavant parler de « contrepartie obligatoire en repos ». Les deux notions sont cependant identiques.
Toutefois, avec la nouvelle loi, il n’y a plus de repos compensateur obligatoire lorsque les heures supplémentaires sont accomplies à l’intérieur du contingent annuel. Mais si ce repos n’est plus obligatoire, rien n’empêche toutefois les branches ou entreprises de prévoir de leur plein gré des contreparties en terme de repos.
Rappel
jusqu’alors, les entreprises d’au moins 20 salariés qui recouraient aux heures supplémentaires à l’intérieur du contingent annuel devaient nécessairement accorder aux salariés concernés un repos équivalant à 50 % du temps de travail accompli au-delà de 41 heures.
En revanche, pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent, les employeurs restent tenus d’accorder un repos compensateur.
La loi portant réforme du temps de travail avait prévu que les modalités de ce repos, ainsi que sa durée, seraient fixées soit par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche, soit en l’absence d’accord, par un décret.
Mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant que les conditions de mise en oeuvre du repos n’étaient pas définies de manière suffisamment précise.
En conséquence, la période de repos obligatoire pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent reste (sauf disposition conventionnelle plus favorable conclue avant ou après la nouvelle loi) comme jusqu’alors fixée à 50 % du temps accompli au-delà de 35 heures pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100 % pour les autres.
Repos compensateur de remplacement
Le paiement des heures supplémentaires et des majorations correspondantes peut être remplacé par du repos, appelé « repos compensateur de remplacement ».
Jusqu’à présent, ce repos pouvait être mis en place soit par accord collectif étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement, soit, en l’absence d’accord collectif étendu, par décision de l’employeur lorsque l’entreprise n’était pas assujettie à l’obligation annuelle de négocier (a priori les entreprises dépourvues de délégué syndical) et que le CE ou les DP, s’ils existaient, ne s’y opposaient pas.
Désormais, le repos compensateur de remplacement sera mis en place par accord d’entreprise ou d’établissement, et subsidiairement, par accord de branche. L’employeur non assujetti à l’obligation annuelle de négocier pourra également toujours décider lui-même de mettre en place ce repos, si les représentants du personnel ne s’y opposent pas.
II – Forfaits annuels
Le décompte de la durée du travail s’effectue parfois sous la forme de forfaits annuels en jours ou en heures. Des forfaits auxquels la loi portant réforme du temps de travail s’est particulièrement intéressée, en adoptant des nouvelles règles communes aux forfaits annuels en heures et en jours, mais également des dispositions propres à chacun de ces dispositifs.
Quel que soit le type de forfait annuel choisi, il n’était jusqu’alors possible de conclure une convention de forfait sur l’année qu’à condition qu’un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoie.
Aujourd’hui, la mise en place d’un forfait annuel reste subordonnée à l’existence d’un accord collectif, mais ce n’est qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement qu’il pourra s’agir d’un accord de branche.
Par ailleurs, la nouvelle loi précise que l’accord du salarié pour recourir à un forfait annuel doit désormais nécessairement être donné par écrit.
Pour les forfaits en heures, la loi n’apporte pas de grand changement puisqu’elle se contente de deux légères modifications. D’une part, elle fait du critère de l’autonomie dans l’organisation de son emploi du temps l’unique condition attachée à la personne du salarié pour qu’il puisse être soumis à un forfait. D’autre part, elle précise que la rémunération versée au salarié doit désormais s’établir en fonction non plus de la rémunération minimale conventionnelle, mais de celle effectivement appliquée dans l’entreprise.
S’agissant en revanche des forfaits-jours, des modifications profondes sont apportées. Ainsi, le salarié en forfait-jours pourra désormais, s’il le désire et en accord avec son employeur, travailler au-delà de 218 jours en renonçant à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire d’au moins 10 %. Le nombre de jours travaillés ne devra toutefois pas excéder le chiffre fixé par l’accord collectif, ou, à défaut d’accord, 235 jours.
Dispositions communes aux forfaits-jours et en heures
Jusqu’à présent, il était possible de conclure des conventions de forfait sur l’année en heures ou en jours, à condition qu’un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement le prévoie.
Aujourd’hui, la mise en place d’un forfait annuel reste subordonnée à l’existence d’un accord collectif, mais ce n’est qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement qu’il pourra s’agir d’un accord de branche. Priorité est donc donnée à la négociation d’entreprise.
À noter
la loi énumère également le contenu de l’accord. Celui-ci devra ainsi fixer :
– la durée annuelle de travail à partir de laquelle le forfait est établi ;
– les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
– les modalités et caractéristiques principales de ces conventions.
Par ailleurs, la loi rappelle que l’accord du salarié pour conclure une convention de forfait annuel est nécessaire. Et cet accord devra désormais nécessairement être donné par écrit, par le biais d’une convention spécifique dite « convention individuelle de forfait », conclue à cet effet.
Remarque
cette règle ne constitue toutefois pas une grande nouveauté puisque la conclusion d’un écrit était déjà exigée dans la pratique par les juges.
La loi crée également une nouvelle obligation de consultation du comité d’entreprise. Celui-ci devra en effet être consulté chaque année sur le recours aux conventions de forfaits et les modalités de suivi de la charge de travail des salariés en forfait.
Précision
cette consultation s’ajoute à celle déjà existante sur la durée et l’aménagement du temps de travail et la période de prise des congés.
Conventions de forfait en heures
La loi modifie légèrement les catégories de salariés pouvant relever d’un forfait annuel en heures.
Jusqu’à présent, deux catégories de salariés pouvaient être soumises à une convention de forfait en heures :
– les cadres dits « autonomes » ;
– et les salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d’une réelle autonomie dans leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Désormais, au lieu des salariés non cadres itinérants, sont visés les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
Remarque
comme dans le système existant jusqu’alors, c’est à l’accord collectif qu’il revient de définir les catégories de salariés susceptibles de relever d’un forfait annuel en heures.
Par ailleurs, une modification est également apportée à la rémunération de ces salariés. Celle-ci devait auparavant être au moins égale à la rémunération minimale conventionnelle applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant au forfait, augmentée le cas échéant des majorations pour heures supplémentaires. Désormais, il ne sera plus tenu compte du minimum conventionnel, mais de la rémunération minimale effectivement applicable dans l’entreprise, ceci afin d’éviter de pénaliser les salariés dont la convention collective prévoit un minimum trop faible.
Conventions de forfait en jours
Le forfait-jours permet à l’employeur de décompter le temps de travail d’un salarié en jours. Et jusqu’à présent, le nombre de jours travaillés ne pouvait en principe pas dépasser 218 jours par an.
Dans les faits toutefois, les salariés en forfait-jours avaient déjà la possibilité de demander à travailler, moyennant une majoration de salaire, une partie de leurs jours de repos et donc de dépasser le plafond annuel (de 218 jours ou moins). Ainsi, le rachat était possible lorsqu’un accord collectif prévoyait cette possibilité ou, depuis la loi sur le pouvoir d’achat du 8 février 2008, même en l’absence d’accord collectif, moyennant une majoration salariale d’au moins 10 %. Cette dernière possibilité n’était toutefois que temporaire et devait prendre fin au 31 décembre 2009.
Avec la nouvelle loi, la possibilité de rachat de jours de repos est pérennisée et ses modalités font l’objet de nouvelles précisions.
Nombre de jours pouvant être rachetés
En pratique, le salarié pourra ainsi travailler au-delà de la durée annuelle de travail fixée par la convention de forfait (soit au maximum 218 jours) en renonçant à une partie de ses jours de repos. C’est l’accord collectif qui fixera un nombre annuel de jours travaillés supérieur à 218 jours (ou au plafond inférieur fixé), les seules limites étant celles relatives aux repos quotidiens, hebdomadaires, aux jours fériés non travaillés et aux congés payés. À défaut d’accord collectif, le nombre maximal de jours travaillés sera de 235 jours, ce chiffre mettant à l’abri du travail le 1er mai (qui est le seul jour férié légalement non travaillé), les 25 jours ouvrés de congés payés et 2 jours de repos hebdomadaire.
Important
l’accord collectif pourra donc prévoir un nombre de jours travaillés supérieur à 235 jours. La loi n’impose en effet un repos hebdomadaire que d’un jour et non deux. Aussi ne pourraient, au final, ne pas être travaillés à coup sûr uniquement les 52 jours de repos hebdomadaire par an, le 1er mai et les 25 jours (correspondant aux 5 semaines de congés payés). Soit un total de 83 jours. En conséquence, le forfait pourrait atteindre 282 jours maximum (365 – 83).
L’administration a toutefois précisé dans un document « questions-réponses » que les jours fériés en vertu d’une convention collective ou d’un usage le resteraient. Ce qui limiterait, pour les entreprises concernées, le nombre de jours travaillés à en principe 272 jours.
Le nombre de jours travaillés annuellement ainsi fixé constituera la limite absolue à respecter en cas de rachat de jours de repos.
Demande de rachat
Pour que le salarié travaille au-delà de la durée annuelle de travail, un accord écrit avec l’employeur sera toutefois nécessaire. L’administration a également précisé que le salarié devra être volontaire pour travailler au-delà de 218 jours et que l’employeur ne peut en aucun cas sanctionner son refus.
Rémunération versée en cas de rachat
En contrepartie des jours travaillés au-delà du plafond annuel, le salarié aura droit, comme le prévoyait le dispositif de rachat provisoire, à une majoration de salaire d’au moins 10 %, fixée par avenant à la convention individuelle de forfait.
En outre, la loi prévoit que lorsque le salarié travaillera au-delà de 218 jours, la rémunération qui lui sera versée (majoration comprise) ouvrira droit à l’exonération d’impôt et de charges sociales, dans les mêmes conditions que pour le dispositif provisoire de rachat créé par la loi sur le pouvoir d’achat du 8 février 2008.
En revanche, le salarié dont la durée annuelle de travail sera inférieure à 218 jours ne devrait bénéficier d’aucune exonération pour les jours de travail accomplis au-delà de cette durée annuelle, mais sans dépasser 218 jours de travail.
Contestation de la rémunération
Il est prévu que le salarié conserve la possibilité de saisir le juge lorsque sa rémunération est manifestement insuffisante par rapport aux sujétions imposées pour obtenir une indemnité. Jusqu’à présent, cette indemnité était fixée en fonction du salaire minimum conventionnel ou, à défaut, de celui pratiqué dans l’entreprise et correspondant à sa qualification. Désormais, le juge pour allouer une indemnité se fondera, non plus sur le minimum conventionnel, mais uniquement sur celui pratiqué dans l’entreprise.
Entretien annuel individuel
L’employeur a désormais l’obligation d’organiser un entretien annuel avec chaque salarié en forfait-jours à propos de la charge de travail de l’intéressé, mais aussi de sa rémunération, de l’organisation du travail dans l’entreprise et de l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle.
Démocratie sociale
Outre la réforme du temps de travail, la loi du 20 août 2008 s’est attaquée également au chantier de la démocratie sociale. Premier objectif : permettre à des syndicats non représentatifs de pouvoir intervenir dans les entreprises. Ainsi, tout syndicat d’entreprise, constitué depuis 2 ans et respectant les valeurs républicaines et d’indépendance, peut désormais créer une section syndicale ou présenter des candidats aux élections professionnelles dès le premier tour. En revanche, négociation d’un accord d’entreprise et désignation d’un délégué syndical restent le mono-pole des syndicats représentatifs.
Par ailleurs, la loi fournit désormais une liste de 7 critères (contre 5 auparavant) à prendre en compte pour examiner la représentativité d’un syndicat.
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